Depuis récemment, une tendance chez certains sportifs est à une augmentation permanente des apports en glucides à l'effort. Or, ce phénomène n'est pas sans dangers potentiels.
Surtout chez les gens qui font du sport sans être des athlètes hautement entraînés.
Ces derniers ont une capacité à utiliser les glucides supérieure à celle des sportifs lambdas que nous sommes. Je ne sais pas, personnellement, quels seront les effets sur ces athlètes à long terme mais, dans tous les cas, ils sont a minima très surveillés médicalement, très encadrés, ce qui est un point important.
Mon propos concerne plutôt l'un des profil-types de mes patients : patient sportif à très sportif, pas ou peu consommateur d'alcool et parfois même très jeune (25-35 ans !).
Prenons conscience, avant de lire mon article, que l'être humain a fonctionné avec très peu de glucides jusqu'à il y a dix mille ans (sur les 4 millions d'années d'existence de l'espèce humaine). Et depuis les cinquante dernières années, l'emballement est sans commune mesure par rapport à ce qu'on est capable de métaboliser au regard de notre génétique…
Par Benoît Nave, micro-nutritionniste
Un phénomène observé aux États-Unis. Quid de la France ?
"Aux États-Unis, de nombreux cas de stéatoses hépatiques non alcooliques ont été constatés chez des patients très sportifs utilisant de grandes quantités de gels et boissons énergétiques" nous explique en 2019 le professeur en médecine Vincent Castronovo* spécialiste en médecine nutritionnelle et fonctionnelle lors de mes cours à la fac de médecine Paris Descartes dans le cadre du diplôme européen Médecine Alimentation Prévention Santé.
En 2024, en France, aussi, on commence à voir des cas de "foie gras" (stéatose hépatique non alcoolique) chez des sujets jeunes, en parfaite santé, très sportifs, avec une alimentation très qualitative et pertinente, par ailleurs. Qui ne boivent, la plupart du temps, pas d'alcool…
Si je ne connais pas d'étude française qui vienne confirmer cela encore, il n'en demeure pas moins que c'est une réalité observée dans les milieux de soins. Il faudra peut-être attendre dix ou quinze ans - comme sur de nombreux autres sujets que nous abordons, nous professionnels de soin, en ayant peine à être entendus sur le moment (avant que cela ne devienne une évidence pour tous)… Cela n'empêche pas de se questionner et de réfléchir…
Et concrètement, ce que je constate au cabinet ?
Je commence de mon côté à avoir plusieurs patients au profil-type.
Profil très pratiquant puisque autour de 10h à 15h de sport chaque semaine.
Sans consommation d'alcool ou très occasionnelle car sportif motivé et focus, soucieux de santé dans un objectif d'atteindre son plein potentiel.
Pour illustrer mon propos, je vous montre, avec son accord, les résultats d'un de mes patients en nutrition :
Fabien C., 30 ans, une moyenne de 10 h de sport par semaine, avec des semaines à 15h (trail-running essentiellement et entraînement croisé, cyclisme route, etc.).
1,70 m pour 60 kg
Très sportif, on l'aura compris
Ne consomme pas d'alcool
A une alimentation du quotidien particulièrement saine contenant peu de glucides
Mais consomme régulièrement à l'entraînement et en compétition 80 à 90 g de glucides par heure
Le patient présente depuis début 2024 un début de stéatose hépatique.
Le diagnostic a pu être fait par son médecin généraliste suite à une plainte de problèmes digestifs longs (10 jours) et un épisode de diarrhée.
L'échographie a montré ce début de stéatose.
Ce qu'il faut en retenir ?
On n'est pas protégé de la stéatose hépatique quand on est sportif.
Nous allons corriger ensemble le problème, ainsi qu'avec son médecin, en modifiant ses habitudes d'apports énergétiques à l'effort. Heureusement, le diagnostic est précoce et donc réversible !
Mais j'espère ne pas être le seul à trouver cela à la fois totalement anormal et inquiétant…
*voir compte-rendu échographie ci-dessous
et voir bilan d'entraînement
Symptômes d'une stéatose hépatique non alcoolique :
Gêne ou lourdeur sous-costale droite et / ou
Douleur sous-costale droite
Augmentation du taux de transaminases hépatiques
Augmentation du taux de ferritine
Et malheureusement, pas grand chose comme symptômes ressentis par le patient ; c'est un problème insidieux, c'est ce qui est terrible…
Suites d'une stéatose hépatique non alcoolique :
évolution classique sans prise en charge correcte (et donc a fortiori sans détection…) : cirrhose hépatique (la même que celle du patient alcoolique)
évolution classique de la cirrhose : cancer du foie…
Qu'en conclure ?
La conclusion, je ne la laisserai ni à mes convictions personnelles, ni même à une étude en laboratoire, mais plutôt à celle de Thibaud F., 24 ans, l'un de mes nouveaux patients en nutrition qui m'a dit textuellement hier, sans que je ne lui ai fait part de tout cela : "Quand je vois les consommations de glucides mises en avant actuellement, je me demande si on est dans le sport santé ?"
Que répondre à cela ? Mon rôle de thérapeute est, à mon sens, d'alerter. Mais on reçoit tous beaucoup d'informations dissonantes alors je pense que le mieux est encore de faire appel, chacun, à notre propre discernement.
Qu'on soit sportif ou pas, d'ailleurs…
Car ceci dit au passage, ce phénomène évidemment n'est pas réservé aux sportifs mais concerne la population entière…
Et attention qui dit glucides dit… glucides, on peut ajouter glucides "de l'effort" si on veut, mais ça ne change pas grand chose au problème : nos générations sont bien trop exposées au sucre, population sportive ou non. Jeune ou pas. Je n'ai pas évoqué ici les sodas, car ce n'était pas l'objet mais le danger est le même. Certaines boissons énergétiques de l'effort ne sont d'ailleurs pas très éloignées de sodas purs et simples…
Encore le dernier mot à un patient, Benjamin D. qui utilise, je crois, le bon mot en la matière : il parle de "Malbouffe dans le sport"… Chacun sera laissé à sa propre réflexion sur ces sujets. •
L'auteur : Benoît Nave, nutritionniste
*Formé (entre autres) par Vincent Castronovo
Diplôme européen Médecine Alimention Prévention Santé en 2019 à la faculté de médecine Paris Descartes
DU Micronutrition à Dijon (2001)
DU Micronutrition à Louvain (2002)
Oui, Clémentine, je m'interroge aussi. Nous aurons sûrement plus de recul dans quelques années mais, personnellement, je rejoins ce genre d'inquiétudes et je préfère faire de la prévention, à ce titre.
Un glucide reste un glucide… qu'il soit dit de l'effort ou non. Même si effectivement, la tolérance, à l'effort, est un peu meilleure.
Et Baouw, dans tout ça ?
J'ai transmis ce genre de messages de prévention dans un webinaire Nolïo et quelqu'un sur les réseaux a indiqué en commentaire que je disais cela parce que je voulais vendre des Baouw (une marque de nutrition sportive bio dont je suis le co-fondateur et qui prône une utilisation raisonnée et rationnelle des glucides).
En réalité…
Ce n'est pas parce que je suis co-fondateur de Baouw que je prône la prudence envers les glucides, c'est PARCE QUE j'ai conscience des dangers de cette sur-consommation que j'ai CONÇU le cahier des charges de Baouw dans ce sens…
C'est donc le contraire.
Ça aurait été facile de vendre des glucides en pagaille.
Plus vous en consommez, plus on en vend, CQFD.
Seulement, ce n'est pas ma vision de ce que je cherche à faire, via Baouw.
C'est-à-dire proposer une nutrition de l'effort qui respecte le plus possible la physiologie de l'être humain et donc notre santé à tous…
Selon les connaissances scientifiques du moment.
On n'a pas tous la même tolérance et notre foie est plus ou moins fragile mais, dans tous les cas, effectivement, c'est l'alimentation de l'effort que je recommande à mes patients parce qu'elle est à mon sens conçue de façon cohérente par rapport à notre fonctionnement d'humain (et pas parce que j'en suis actionnaire, vous l'aurez compris). Trop de sucre n'est bon pour personne, c'est le mal du siècle, QU'ON SOIT SPORTIF OU NON…
Image ci-dessous :
Echographie Fabien C.
Début de stéatose hépatique non alcoolique (""foie gras de l'homme")
Image ci-dessous :
Entraînement Fabien C. par semaine
Un exemple d'analyse d'un autre patient, chez qui il faut surveiller le taux de transaminases.
Source de la vidéo : laboratoire Bio Medi Qual Centre (durée : 1'33)
Source des images suivantes : laboratoire Bio Medi Qual Centre (vidéo ci-dessus)
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